« Une éducation sentimentale contemporaine »

La Fondation Gan s’est rendue à Marseille sur le tournage de Jean-Bernard Marlin, lauréat 2017.

Shéhérazade

C’est sur « la pointe des pieds » que nous arrivons tant on sait le microcosme d’une équipe de tournage, délicat.
C’est encore plus vrai pour le film de Jean-Bernard Marlin, SHÉHÉRAZADE, que l’on imagine être une expérience passionnante mais ardue !  

Le scénario est le fruit de six années de travail : c’est un fait divers qui bouleverse le réalisateur et qui l’amène d’abord à faire un documentaire, en s’immergeant dans le quotidien d’ados qui vivent en grande précarité et avec lesquels il tisse des liens puissants.
De cette expérience, il réalise son premier long-métrage, qui mêle la fiction à la « vraie vie » : Zachary, 17 ans, sort de prison. Il n’a pas un sou en poche et rencontre Shéhérazade, une jeune fille qui se prostitue dans un quartier populaire de Marseille.

Pas d’acteurs professionnels ici, uniquement des « jeunes de la rue », qui pour la plupart, sont à l’écran comme à la ville. Dylan Robert incarne Zachary : lui aussi sort de prison, lui aussi a connu des galères. Ce film est un beau projet de réinsertion !
Kenza Fortas, quant à elle, interprète la touchante Shéhérazade : une des seules à faire un peu de composition car, même si elle connaît des difficultés, elle ne se prostitue pas.
L’histoire du film est en quelque sorte la leur…
Et c’est tout le défi de Jean-Bernard : « laisser la vie entrer dans le film, laisser la porte ouverte à l’inattendu, comme dans un documentaire (…) chercher ce moment où la vie et la fiction ne font qu’un ».

Pour se faire, tournage en décors réels : foyer d’accueil, hôtel très spartiate près de la gare, square occupé par des prostituées et des junkies… 
Après 7 semaines de travail denses, souvent chaotiques (quartiers sensibles à gérer, acteurs dissipés qui ont peu l’habitude des contraintes),  on rencontre une équipe un peu fatiguée mais soudée, consciente de vivre une expérience intense et unique. Leur patience est à la hauteur de la fougue des acteurs !
Le réalisateur nous explique qu’il faut parfois tourner la même scène dix, vingt fois pour obtenir la justesse du jeu. Patience, écoute, acharnement jour après jour sont les maîtres-mots.

« Trouver les émotions, sentir les impulsions, se focaliser sur l’instinctif » : une méthode de travail à laquelle il est attaché et qu’il a transmis à ses protégés pendant de longs mois de répétitions. Pendant ces deux jours que nous passons avec eux, nous sentons le lien fort qui s’est créé à la suite de ce conséquent travail de préparation.
D’ailleurs lorsqu’on interviewe Dylan et Kenza - deux fortes têtes, dont les mots dépassent parfois la pensée – ils s’ouvrent un peu et parlent de Jean-Bernard comme d’un grand frère, qui les écoute et partage leurs problèmes.

L’énergie de ces enfants grandis trop vite et cette mise en scène viscérale sauront donner la force à cette histoire d’amour à la fois dure et romanesque, que l’on a hâte de voir à l’écran !